Histoire de Saint-Michel-des-Saints
Au milieu du XIXe siècle, l’espace agricole de la plaine du Saint-Laurent est saturé. La
population y augmente plus vite que la quantité de terres cultivables.
Plusieurs quittent donc le milieu rural pour la ville. Or, les industries des
villes de Montréal, Québec et Trois-Rivières ne sont pas en mesure d’absorber
toute cette nouvelle main-d’oeuvre. Près
d’un demi-million de Canadiens français choisiront de s’exiler vers la région
industrielle du nord-est des États-Unis. Le clergé du Québec s’inquiète de voir
cet exode massif. C’est ainsi que l’on entreprend de coloniser le Nord
québécois. Le retour à la terre est la réponse du clergé à l’exode. À cette
époque, le célèbre curé Labelle, sous-ministre à la colonisation, développe la
région des Laurentides. Ici, en Matawinie, ce sera l’affaire des curés Provost
et Brassard. Chez une partie de l’élite canadienne-française, on caresse le
rêve de coloniser tout le Nord canadien. C’est la naissance du mythe du Nord québécois.
Le village de Saint-Michel-des-Saints a donc été fondé
par le curé Léandre Brassard en 1863. Il avait fait une première excursion,
parti le 2 septembre 1862 (on se demandera pourquoi si tard dans l’année) avec son
frère, Louis-Moïse, et le curé Provost - celui qui allait fonder Saint-Zénon en
1870. Étaient aussi présents Louis Vézina, Louis Pigeon et Jean-Baptiste Lepage.
Ils remontèrent la rivière l’Assomption jusqu’à sa source, puis se lancèrent
sur la rivière Cyprès (devenue Matawin depuis) pour se rendre jusqu’au lac des
Pins, à un lieu nommé la ferme Guilmour - sans doute une exploitation
forestière dont les bâtisses avaient été incendiées à l’été. On décide
cependant de revenir camper à la chute Roberval, à 4 minutes seulement du lac
des Pins (cette mesure semble bien irréaliste aujourd’hui, même pour les
meilleurs canotiers). C’est là que le curé Brassard allait fonder son village. La
chute allait servir à fournir l’énergie à un éventuel moulin. Ce sera
d’ailleurs la première construction de la petite colonie en 1863, avec une
résidence sur le mont Roberval. Les premiers colons agriculteurs suivirent. La
première expédition entraînera des coûts de 213 $ aux trois prêtres. Ils
étaient de retour à Saint-Alphonse dès le 19 septembre.
Quelques jours plus tard, on retrouve les
fondateurs à Québec où ils obtiennent l’arpentage des terres. Cette opération
dans les cantons Brassard et Provost, dirigée par l’arpenteur Dorval de
Joliette, débutera dès le 7 décembre de la même année. Léandre Brassard est
présent et, le 10 décembre, il place une croix où serait dressée une église,
près du mont Roberval. Le lendemain, le premier colon de Saint-Michel-des-Saints
arrive avec sa famille. Il s’agit de David St-Antoine, venu de Saint-Gabrielde-
Brandon.
C’est le 5 mars suivant que le curé Brassard
baptise sa colonie du nom de Saint-Michel-des-Saints et qu’il dresse un
campanile pour y installer une cloche. Ce nom est celui d’un saint né à Vic, en
Espagne, en 1591. On dit qu’à 6 ans, il a quitté la maison pour vivre en
ermite, dans une caverne, avec une grande piété pour les souffrances du Christ.
À 12 ans, on le retrouve chez les Trinitaires de Barcelone. Il doit sa renommée
à sa grande piété, sa dévotion et son sens de la pénitence. Il est mort en
1625, le 10 avril. C’est parce qu’il avait été canonisé quelques mois avant la fondation
de son village que le curé Brassard l’a choisi comme patron de sa nouvelle
colonie. Sa canonisation avait eu lieu le 8 juin précédent par le Pape Pie IX.
Sa fête se célèbre le 5 juillet.
Dans un autre ordre d’idées, notons qu’au début, le
chemin le plus utilisé pour se rendre dans cette colonie était le chemin
Désautels, praticable en hiver seulement. Il ne passait pas par la vallée de la
rivière du Sauvage et de la rivière Noire, mais rejoignait
Saint-Gabriel-de-Brandon via le rang Saint-Joseph actuel. L’année suivante, le
curé Provost partira à la recherche d’un nouveau chemin. Dans les Chroniques
sur les premiers établissements dans la vallée de la Mantawa du curé
Brassard on peut lire ceci :
Bientôt une lettre de M. Provost informe qu’après quatre jours de
marche, par monts et par vaux, il a pu localiser un bon chemin dans la
direction désirée. Et, le 9 septembre [1863], l’on apprend que le tracé du nouveau
chemin a été approuvé par le Gouvernement et que le défrichement est déjà
commencé.
Mais si c’est d’agriculture qu’on comptait vivre, c’est
la forêt qui sera le vrai gagne-pain des gens de la région. Avant la fondation,
des compagnies forestières exploitaient déjà les forêts d’ici. La vie de chantier
sera celle des hommes de chez nous et l’industrie qui amèneront un peu de
monnaie dans les poches de ces agriculteurs souvent improvisés. C’est ainsi que
la population augmentera rapidement. Toutefois, cette croissance sera due
d’abord à l’industrie forestière qui fait vivre les gens d’ici et non à une
volonté de voir se réaliser le rêve agricole de l’Église catholique et des
curés Brassard et Provost. Ce rêve était d’ailleurs tel que dès 1863, ils
entreprennent des démarches pour construire une route qui relierait le lac
Cyprès, donc Saint-Michel-des-Saints, à Sainte-Agathe, l’autre grande région de
colonisation développée par le curé Labelle. Ils rêvaient déjà de voir s’ériger
d’autres villages de colonisation le long de cette route.
Toujours est-il qu’avec les années, l’industrie du bois
s’est mécanisée et les conditions de vie des travailleurs forestiers se sont
grandement améliorées, ses revenus tirés de cette industrie permettent maintenant
aux gens de la région de jouir de revenus bien supérieurs à la moyenne
nationale.
Pour ce qui est de l’évolution démographique, le village
qui comptait 136 habitants en 1866 en comptera 848 en 1904, 1902 en 1950.
Aujourd’hui, la population dépasse les 2500 personnes.
Ce n’est que récemment que l’industrie touristique se
développe sérieusement par la construction de plusieurs auberges et sites
d’hébergement pour les visiteurs, motoneigistes et autres amateurs de plein
air.